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Portrait d’Yves Coppens

Découvreur mondialement connu de nombreux fossiles humains célèbres dont Lucy, Yves Coppens a voué toute sa carrière à la paléontologie. Originaire de Vannes, c’est sur les rives du Golfe du Morbihan que l’académicien a contracté le virus de l’archéologie.

VERS UNE INSCRIPTION AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO

Découvreur mondialement connu de nombreux fossiles humains célèbres dont Lucy, Yves Coppens a voué toute sa carrière à la paléontologie. Originaire de Vannes, c’est sur les rives du Golfe du Morbihan que l’académicien a contracté le virus de l’archéologie. Il pilote aujourd’hui le comité scientifique chargé de monter le dossier d’inscription des mégalithes au patrimoine mondial de l’Unesco. Dans ses mémoires, parues aux éditons Odile Jacob, il confie que son objectif est la « conservation réelle, attentive, vigilante, de cet immense et puissant sanctuaire des tout premiers agriculteurs armoricains, unique au monde par la quantité, la diversité, le gigantisme fréquent et la qualité de ses monuments ». Nous avons rencontré Yves Coppens pour mieux saisir la portée de cette inscription au patrimoine de l’Unesco.

DRPF – Odile Jacob ©

Pourquoi classer les mégalithes compris entre la rivière d’Etel et la presqu’île de Rhuys au patrimoine mondial de l’Unesco ? Qu’est-ce qui les rend significatifs et remarquables par rapport aux autres sites semblables dans le monde ?

Lorsque l’on dresse la carte et que l’on pointe tous les monuments mégalithiques connus, la zone que nous avons adoptée entre la rivière d’Etel et la presqu’île de Rhuys est incontestablement la plus riche. Il y a une densité de monuments dans cette région qui fait que cette zone était sûrement sacrée. Pour que les populations aient planté autant de tonnes de granit dans ce coin là et qu’ils s’y soient fait enterrer sous les grands tumulus, c’est bien que la région avait un sens particulier pour eux. C’est assez amusant car quand j’étais enfant je me disais que ça devait être une région très particulière et assez sacrée ; la conclusion du pointage des monuments a confirmé ça… Par ailleurs, c’est l’endroit où il y a le plus d’alignements. Au sein du comité scientifique, j’ai recruté des spécialistes des mégalithes étrangers : il y a par exemple une Anglaise, un Irlandais, un Ecossais, un Danois, un Espagnol, une Portugaise… Tous ces spécialistes considèrent aussi que le système d’alignement est exceptionnel en Bretagne avec des menhirs s’organisant en ligne, en cercle (les cromlechs), en carré, en quadrilatère… Les grands alignements du sud de la Bretagne sont caractéristiques de cette région exceptionnelle et peu connue ailleurs.

Après la déclaration de valeur universelle exceptionnelle et une étude comparative du site, où en est le dossier de demande de classement des mégalithes de Carnac et du Golfe au patrimoine mondial de l’Unesco ?

Les mégalithes de Carnac sont inscrits depuis 1996 sur la liste indicative française du Patrimoine mondial mais ce n’est pas suffisant bien sûr. Ceci étant dit, ça n’avait pas avancé parce qu’il n’y avait pas véritablement d’organisme pour s’en occuper. Depuis la création de l’association Paysages des mégalithes et la mise en place du comité scientifique, on a pu se mettre véritablement au travail.

Vous dirigez le comité scientifique de l’association qui porte le projet de demande. Comment travaillez-vous avec l’association et l’Unesco ?

L’association Paysages des mégalithes porte le dossier et s’occupe de toute la partie logistique et des rapports avec les élus des 26 communes que nous avons retenues. Le comité scientifique, que je préside, s’occupe de la partie scientifique, archéologique mais aussi de la manière de circonscrire les mégalithes parce que la délimitation du « Bien » est une phase très importante dans la constitution du dossier. Nos rapports avec l’Unesco n’existent pas encore car l’Unesco traite avec les Etats donc nous ne traitons qu’avec le ministère de la Culture et de la Communication, c’est lui qui nous défend au niveau de l’Unesco. Bien sûr, sur le plan personnel, j’ai beaucoup travaillé avec le service du patrimoine mondial de l’Unesco. J’ai fait pour eux le tour de la terre pour établir des listes de sites préhistoriques et archéologiques susceptibles d’entrer un jour au patrimoine mondial de l’Unesco. Cependant je n’ai pas à intervenir auprès d’eux dans ce dossier du Morbihan. Le côté formel réside entre le ministère de la Culture et de la Communication et l’Unesco.

Qu’est-ce que ce classement changera pour le public, les habitants, les scientifiques ? Quel est son enjeu, sa portée ?

Cela apportera d’abord une grande notoriété, une réputation dans une région d’Europe où il y a une grande compétition entre les sites mégalithiques. En même temps, et c’est pour moi essentiel, cela permettra de mieux protéger les « Biens ». Certains monuments se dégradent, le nombre diminue aussi parce que les gens qui cultivent les terres sont plutôt gênés par ces gros cailloux. Le classement au Patrimoine Mondial de l’Unesco permettra aux mégalithes d’être plus visibles donc mieux protégés.

ORIGINAIRE DE VANNES, YVES COPPENS NOUS LIVRE SES MEILLEURES RENCONTRES AVEC LA MER, LA NATURE, LA CULTURE, LE TERROIR ET LES MÉGALITHES !

Votre rencontre avec la mer ?

Mon lien avec la mer est constant et permanent. Je ne passe jamais une année sans naviguer. Les lumières du Golfe sont de belles lumières pastel, aussi douces que le climat. J’ai vécu à Vannes et j’allais à la plage au bout de cette grande promenade qu’on appelle la Rabine. J’aimais me rendre à la pointe des Emigrés. L’été, nous rejoignions notre maison d’hiver à La Trinité-sur-Mer. Le déplacement entre la maison hiver de Vannes et la maison d’été de la Trinité était toujours un vrai déménagement, avec à chaque fois tout un mouvement de population : les uns prenaient le car et les autres embarquaient dans la voiture surchargée…

Votre rencontre avec le terroir ?

Le terroir et la gastronomie sont le reflet d’une population, de son raffinement et de sa culture, c’est un ensemble. J’ai mangé breton pendant des années et aujourd’hui encore j’aime déjeuner directement sur les parcs ostréicoles : un plateau de fruits de mer avec un petit vin blanc et du beurre… Le beurre chez ma grand-mère c’était d’ailleurs sacré ! La motte de beurre pouvait faire plusieurs kilos et ma grand-mère était toujours très agacée quand on l’attaquait des deux bouts. Elle faisait aussi des galettes formidables et chaque fois que je revenais de mes longs séjours en Afrique ou d’ailleurs j’avais toujours droit à son far aux pruneaux… que je vois et ressens encore le goût ! Enfin, je ne bois jamais de cidre mais il a pour moi un intérêt dans le terroir. Sous d’autres cieux, ça ne me tente pas du tout mais sous le ciel breton j’en prends tout le temps avec mes crêpes.

Votre rencontre avec la nature ?

Dans la maison de Vannes où j’ai vécu il y avait des pins si encombrants que les racines commençaient à passer sous la maison et à créer des problèmes avec le voisinage. Tant et si bien que j’ai dû les couper ! J’ai donc vécu avec les pins, si caractéristiques du territoire, comme les chênes, également liés au terroir. Dans le Morbihan, la terre est acide à cause des roches et la végétation s’en ressent. C’est une végétation très riche, très dense. Dans les landes, les ajoncs, les genêts et les fougères affleurent les roches qui ont servi à construire les mégalithes autrefois.

Votre rencontre avec les mégalithes ?

C’est probablement un dolmen qui était et j’espère qui est encore à côté de la maison familiale à La Trinité-sur-Mer. Ce mégalithe était de l’autre côté de la rue, on gravissait une petite butte pour l’atteindre. Il possédait une très belle chambre dolménique mais il y a longtemps que je ne l’ai pas vu car il est désormais moins accessible à cause des constructions et des cultures. Mais c’était le premier monument pour moi, j’amenais mes copains là-bas et j’ai des fameuses photos de cette période là !

Votre rencontre avec la culture ?

C’est tout d’abord la langue bretonne. Je l’ai étudiée qu’un tout petit peu et je le regrette. Le breton était parlé par ma grand-mère maternelle. Elle m’a appris de petites choses, des mots, des comptines… La langue est belle et liée au territoire, au terroir, aux landes et à la mer. Dans cette culture, je suis aussi personnellement très attaché à la musique. Les bombardes et les binious ont toujours accompagné mon existence. La musique celtique me touche très profondément : j’ai peu de raison de pleurer, je m’en réjouis car je suis joyeux de nature, mais il y a une seule chose qui peut me sortir des larmes : c’est cette musique, surtout quand elle est solennelle. La musique bretonne est très créative. Elle continue à avancer, à faire de nouveaux sons, de nouvelles improvisations et écritures et je trouve que c’est bon signe.